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Félix Anthyme AUBERT - (Langrune-sur-Mer,
Calvados, 1866 - 1940)
"En consacrant une partie de son talent à l'industrie,
M. Aubert rend à l'art le plus grand des services et
le plus rare". Qui mieux que le peintre Félix
Aubert pouvait susciter au marchand et historien d'art allemand
Julius Meier-Graefe ces quelques lignes extraites d'un
article paru dans la revue Art Décoratif en 1899, en
pleine période Art nouveau ? En effet, trois ans auparavant,
en 1896, Félix Aubert, accompagné de quelques
sculpteurs et architectes, fondait le Groupe des Cinq,
transformé en 1898 en mouvement Art dans Tout,
célébré aujourd'hui comme l'une des pensées
les plus originales des arts décoratifs. Parmi les
réalisations de ces artistes, la ville d'Agde
conserve, dans sa quasi intégralité, la salle
de bain d'Emmanuel Laurens à laquelle Félix
Aubert apporta une large contribution.
L'artiste est né le 24 mai 1866 dans un petit village
de Normandie, Langrune-sur-Mer, d'une mère dentellière
et d'un père marin pécheur. Vingt-trois ans
plus tard, Félix Aubert est accueilli à Paris
au sein d'une famille proche des cercles artistiques, la famille
Lair. Comme de nombreux artistes, les documents sur la jeunesse
de Aubert et sur ses premiers pas dans l'art sont rares. Nous
ne connaissons rien des notions de modèles et d'apprentissage
acquises dès son plus jeune âge. Mais ses rapides
progrès dans le dessin d'ornement présagent
le profit tiré des premières leçons de
sa mère et de celles reçues à Paris.
En effet, la fréquentation d'un milieu parisien entièrement
tourné vers l'art donne au jeune homme " bien
élevé, doux, intelligent et travailleur "
l'occasion de poursuivre une formation près de peintres
et " d'artistes très imminents et très
célèbres" comme le rapporte les lettres
de Mme Lair en 1889 et 1890.
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Détail du panneau en faïence
de la Salle de Bain
Château Laurens
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Malheureusement, les dessins que Félix
Aubert réalise durant cette période ne nous
sont pas parvenus. Mais nous savons qu'à l'occasion
du Salon de la Société Nationale des Beaux Arts
de 1895 sont exposés, pour la première fois,
différents projets décoratifs tirés
de ses dessins: tapis ou velours imprimés, ainsi qu'un
projet de soie à motifs d'iris destiné à
parer la beauté féminine. Dès 1897, le
Groupe des Cinq présente au Salon de la Société
nationale des Beaux Arts le boudoir conçu pour la
comtesse de Noailles, et moins d'un an après, Félix
Aubert et Alexandre Charpentier
imaginent la partie la plus luxueuse de la salle de bain
d'Emmanuel Laurens. Les nombreuses revues françaises
et étrangères s'en font l'écho et commentent
en termes élogieux le travail des artistes. L'année
suivante, en 1899, Charpentier et Aubert créent un
ensemble décoratif pour le prince et la princesse
Alexandre de Chimay, détruit aujourd'hui, et participent
activement à l'aménagement de l'immeuble
de la rue Tocqueville à Paris construit par l'architecte
et membre de l'Art dans Tout, Charles Plumet (1861-1928).
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Panneau en faïence
de la Salle de Bain
Château Laurens
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Après la dissolution du groupe, Aubert
publie en Allemagne, en 1904, un recueil d'ornements destiné
à l'art de la dentelle, expose régulièrement
jusqu'en 1923 au Salon de la Société Nationale
des Arts Décoratifs et collabore avec l'industrie lyonnaise
de la soie. Il donne encore dans les grands programmes
décoratifs en 1910 pour la villa Pommery à
Reims et en 1912, avec son ami architecte Louis Sorel,
transfuge de l'Art dans Tout, il conçoit, à
Paris, le programme décoratif de Société
Auxiliaire de l'Alimentation à l'angle du boulevard
Raspail et de la rue de Sèvres.
En complément à ces différentes activités,
Félix Aubert oriente sa carrière vers un courant
plus officiel en intégrant le corps professoral de
l'Ecole Nationale des Arts Décoratifs de 1907 à
1935 et, à partir des années vingt, en participant
à la vie administrative, et artistique, de la Manufacture
de Sèvres. Artiste, pédagogue et membre
d'une prestigieuse administration vouée aux arts décoratifs,
la carrière de Félix Aubert lui vaudra d'être
élevé au grade d'Officier de la Légion
d'Honneur. Mais l'on doit reconnaître que le parcours
académique de la seconde partie de sa carrière
n'atteint pas celui des années 1890 dans lequel l'artiste
donna " la meilleure, et la plus innovante, partie
de son uvre " comme le note la spécialiste
de Aubert, Rossella Froissart-Pezonne. Et par chance, la salle
de bain conservée par la ville d'Agde est l'un des
rares témoignages encore en place de l'imaginaire décoratif
d'artistes dont on mesure aujourd'hui la grande capacité
d'invention.
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